Je vous présente Maa Jiii.
La femme qui nourrit tout mon quartier chaque matin depuis plus de 25 ans. Le BHB: Beignet Haricot Bouillie est pour les Camerounais ce que le hamburger est aux Américains, le Sushi est au Japonais et euh la décoration de la nourriture aux Français.
Un Must. Un vrai business pour lequel la demande est toujours là. Aucun Camerounais digne de ce nom ne peut vous dire qu’il n’a jamais chop* (manger) les beignets. On leur a même consacré une chanson à l’époque: « L’Ofombo*, l’ofombo le plus gros beignet…. le plus gros beignet…. l’Ofombo, toujours 25″.
Le BHB est tellement populaire qu’au pays, on a tout un restaurant « trendy » qui en a fait son plat principal (On l’appelle notre MacDo national et je précise qu’ils ne m’ont pas payé pour la pub ce qui ne serait pas mauvais en soi).
Retour au quartier natal…
J’étais donc de retour dans mon quartier natal après un bail et je me suis adonné à ma meilleure occupation: observer, analyser et partager. Sincèrement, ce sont ces petites choses, ces petits plaisirs, qui font que malgré le règne sans fin du Prézy le contexte difficile du pays, il y fait quand même bon vivre.
Manger les BHB le matin est une expérience qui devrait faire parti de tous les circuits touristiques du pays de crevettes.
S’asseoir en plein air, écouter les derniers kongossa* du quartier; les regrets des vieux et les espoirs des jeunes; humer la fumée de l’huile chaude et blanchie (tellement transparente qu’on se demande si Maa Jii la change souvent).
Ecouter le son de la pâte qui glisse dans la cuvette (tchouaaaaaaaa); Etre ébloui par les grains de haricot dorés en mode sous marin dans l’assiette et savourer la douceur de la bouillie pour arroser et harmoniser le mélange. Miam Miam.
Tout ça pour dire quoi?
A l’ère des startUp plus innovantes les unes que les autres, je me suis demandé comment cette mater* avait fait pour traverser les générations et avoir toujours un business model qui prospère depuis des décennies. J’ai donc observé, analysé et je vous partage ici quelques quelques conseils qui je l’espère pourront inspirer ceux qui veulent se lancer dans le business de la chop* au Cameroun:
1. La Position: Quand j’étais plus petit Maa Jii était de l’autre côté de la route. Sa concurrente principale c’était une autre vendeuse qu’on appelait Mama Marie. Mama Marie elle alors, s’était le beignetariat façon VIP. Ou elle mettait quoi dans son haricot personne ne sait , mais les gens traversaient Maa Jii pour arriver chez elle (faut dire que le « H* » est un facteur clé de démarcation dans l’industrie du BHB). Aujourd’hui elle n’est plus là (le pecksage* je suppose).
J’avais même écrit un petite partie de sketch dessus.
Donc un jour, Maa Jii a changé d’emplacement et est venue se placer devant la boutique de tonton Sékèlè le boutiquier (Ce sont de vraies nom hein… renseignez vous au quartier Kondengui lol).
Non seulement il ne fallait plus traverser la route pour arriver chez elle, mais tous ceux qui venaient genre acheter le pain étaient attirés par les rondeurs des beignets (PS: et les Camerounais aiment les formes).
2. Le prix: Le beignet est pratiquement la seule chose qu’on peut encore acheter avec 10 Francs ou 25 Francs au Cameroun. Maa Jii ne connait pas elle la dévaluation ou l’inflation. Elle est restée constante dans ses prix qui sont donc ouverts à toutes les bourses. Faut quand même dire que les beignets là ont un peu maigri et que le nombre de grains de haricot dans la cuillère de 25 a aussi diminué. Mais c’est comme ci, si le prix d’une chose ne bouge pas, même si la quantité diminue un peu, les clients se disent toujours que tout va bien (sauf pour la bière).
3. La rapidité du service: Les Camerounais aiment généralement faire les choses à la dernière minute et arriver en retard. Ça ne signifie pourtant pas qu’ils aiment attendre hein.
Maa Jii est rapide, elle a même employé une petite du village pour accélérer son process. Quand son huile chauffe bien, on est servi en moins de 5 minutes quelle que soit l’affluence.
Les Camerounais aiment généralement faire les choses à la dernière minute et arriver en retard. Ça ne signifie pourtant pas qu’ils aiment attendre hein.
4. La simplicité : Bon là je ne sais pas si c’est par choix ou par défaut, mais l’endroit où Maa Jii fait ses beignets là a toujours été comme ça. La grosse amélioration qu’elle a apporté en plus de 10 ans c’est le parapluie. Donc quand on a un bon produit, une clientèle acquise, un marché qui tourne, c’est peut-être bien de ne pas vite changer les choses, sauf si c’est nécessaire.
En plus, elle traite toujours ses clients de la même façon qu’au début contrairement au restau que j’ai dit là (le syndrome de la grosse tête* ne l’a pas encore atteint visiblement).
Quant à la question de la rémunération, je me suis simplement dit que si elle est toujours là c’est que ça doit quand même bindiment*marcher non? Vous en pensez quoi?
- Lexique:
*Chop ou Tchop: Manger ou Nourriture
* Le H: Le Haricot
* Le Kongossa: Le commérage
* Mater: La maman on peut aussi dire le pater
*L’Ofombo: Le plus gros beignet du Cameroun qui coûtait 25Fcfa à l’époque
*Pecksage: Expression Camerounaise pour dire que quelqu’un a réussit. Synonime de « Briss »
*Syndrome de la grosse tête: maladie qui atteint souvent les gens qui ont briss et les rend négligeant envers leurs clients
*Bindiment: Un peu, un peu comme molo molo